26 invités en ligne

GR20 sud - la Corse en solo

(réalisé)
Le GR20 est un pique-nique, la preuve, certains le traversent en 4 jours.
Chaussez vos tongues, et embarquez pour cette promenade dominicale.
randonnée/trek
Durée : 7 jours
Distance globale : 92.1km
Dénivelées : +4330m / -5021m
Alti min/max : 257m/2094m
Carnet publié par le 03 nov. 2023
modifié le 09 nov. 2023
Mobilité douce
Réalisé en utilisant transports en commun (train, bus, bateau...)
C'est possible (ou réalisé) en train stop ferry
457 lecteur(s) -
Vue d'ensemble

Le topo : Section 6 (mise à jour : 09 nov. 2023)

Distance section : 15.5km
Dénivelées section : +593m / -1066m
Section Alti min/max : 1020m/1513m

Télécharger traces et points de cette section au format GPX , KML
Télécharger traces et points pour l'ensemble du carnet (toutes les sections) GPX , KML

Le compte-rendu : Section 6 (mise à jour : 09 nov. 2023)

La fourmilière et le jeu d'échec.
            Il fait jour, je me lève plus tard qu’à mon habitude, et croise les belges qui, elles, se lèvent plus tôt que d’habitude. Elles prennent le lead, on descend dans la forêt plutôt que d'emprunter la variante alpine plus difficile. Il y a moins de dénivelé. On se croise plusieurs fois. Elles constituent une sorte de repère et je suis content qu’elles soient là. Leur présence me donne la motivation pour avancer, surtout que la dernière montée sur la rocaille en plein soleil était pénible. Je commence à fatiguer et des cloques sont apparues sur chacun des mes petits orteils, car les chaussures ne sont pas parfaitement à mon pied. Je perce les cloques et la douleur s’estompe.

Puis c'est l'arrivée au col de Bavella. Crise d’angoisse. 
Sans prévenir et sans transition, le chemin du GR20 débarque sur un parking rempli de voitures. Je cherche les copines, paniqué de devoir affronter la civilisation seul. Je longe la route, les autos filent, le rythme effréné du monde m’effraie. Ça rentre et ça sort des voitures, ça rentre et ça sort des restaurants, ça court et ça parle fort. On se croirait dans une fourmilière. Aussi évident et cliché que ça puisse paraître, à ce moment-là, une pensée m’obsède : « On est une société de consommation ! ». Pas que je ne m’en sois pas rendu compte avant, mais là j’en fais l’expérience directe après six jours à vivre au rythme de la montagne et de la forêt. Décalage. J’ai l’impression d’être devenu un animal et je partage l’angoisse d’un monde sauvage où l’homme prend trop de place.

Je retourne en retrait, à l’ombre des pins pour manger une salade de thon piémontaise que je gardais en réserve, et faire une sieste.

Assis sur la fontaine du village de Bavella, où je remplis ma poche, je croise un restaurateur qui prend sa pause clope et respire.
"- Quelle angoisse ! Je lance sans réfléchir.
- Ah ça ! Je comprends."

Je retrouve les filles à la sortie d'une pizzeria. Je leur donne un abricot chacune car j’ai fait le plein de fruits frais dans un petit marché. On se met en route, le moral au beau fixe et je profite d’un bassin à l’entrée de la forêt pour me baigner, ce qui me redonne de l’énergie. 
Pat et sa famille arrivent à ce moment-là et on amorce la grimpette.

Arrivée au Foce Finosa. Le col du jeu d’échec. 
Deux gars sont assis en travers du chemin et jouent aux échecs. Une fille, en retrait sur un rocher, prépare du café sur un petit réchaud. Elle porte des sandales. Ces types me plaisent. J’observe la partie.
"- You wanna play ? Me demande le gagnant.
- Mhhh, yeah why not !
- How good are you ?
- I’m not that good !
- Yeah that’s what a good chess player would say." Lance l’anglaise en tongues.
" - Would you like a cuppa coffee ?
- You guys are the best. Drinking coffee and playing chess in the shade. So glad I met you."
La partie est longue, je repousse l’échéance de ce que j’appelle la boucherie, quand on a plus de stratégie et que la partie devient un carnage, ce qu’on évite quand on a un minimum de savoir jouer. L’art de gagner sans tuer. Juste mettre son adversaire en échec. Mon adversaire finit par gagner.
"- That was interesting
- Well thank you guys for that Chess & Coffee intermission. You made my day, really, if not the entire trek. Keep the spirit !"

Je reprends la route, le moral à bloc. Je gambade comme un gamin jusqu’au refuge d’I Paliri, dernière étape avant le retour à la civilisation.
Un panneau indique la douche, 200m plus bas, je pose mon sac et prend ce détour avant d’accéder au refuge.
J’arrive frais et pimpant, tandis que les autres sont avachis sur les tables a pique-nique sous l’ombrière, écrasés de fatigue et de chaleur. 
Je leur raconte mon aventure, avec enthousiasme. Ils se regardent, incrédules.
"- Toi t’es pas sur le même chemin que nous hein ?"

Les gardiens sont des marrants ici, ils pratiquent le comique de répétition et récitent leurs blagues à chaque nouvel arrivant.
"- Tu peux installer ta tente ou tu veux sauf sur le grand H au sol
- Le grand H ?
- Oui c’est pour les Hiboux. Ils se rassemblent la nuit.
- On est invités ?
- Nan je pense pas.
- Ah. Ils sont exclusifs vos hiboux."

I Paliri est reconnu pour l’ambiance festive de l'ultime étape du GR20, et la soirée commence avec Pat et sa famille qui partagent un immense gueuleton bien arrosé de rosé, rapidement rejoint par les autres randonneurs. La nuit tombe, les gardiens montent le son, sortent la Myrte et on commence à danser. On doit nous entendre jusqu’à Conca.

Un passage d'un poème de Rumi, envoyé par mon ami Fabien, me revient alors que je songe aux autres randonneurs qui aimeraient se reposer, :

There is a community of the spirit.
Join in, and feel the delight of walking in the noisy street, and being the noise
Drink all your passion, and be a disgrace.
Sois le bruit !
Cette phrase résonne comme une leçon
pour le vieux ronchon que je suis.
Commentaires