GR20 sud - la Corse en solo

À dos de cheval

La nuit a été chaude, j’ai cru entendre la pluie. Réveillé aux aurores, je remplis ma poche d'eau de 2L. Je me mets en route aux premières lueurs, passant devant l’hôtel particulier puis le « Squat », bivouac où campent les géhéristes. On entre dans la forêt, une petite chapelle en pierres ouvre le chemin. Très large au début, le sentier emprunte une piste forestière. Soudain sur un arbre : une trace rouge et blanche en forme de X ! 
C’est les bonnes couleurs mais pas le bon signe, le GR c’est deux traits horizontaux. Je continue malgré tout ma progression, plus lentement, et m’inquiète de ne plus voir de balisage.
Demi-tour jusqu’à trouver un petit chemin balisé qui monte sur la droite. Je regarde trop mes pieds et pas assez où je vais, je ne marche que depuis une demi-heure et je me perds déjà. Ça promet. 

En haut de la montée, je retrouve Lo et Ju.
"- He ! On te voyait plus, on pensait que tu nous avais mis une misère.
- Nan j'me suis paumé. On s'pose pour le déj' ?"

Joli point de vue sur la vallée baignée de lumière satinée. Ici, les pins sont des virtuoses en équilibre entre le ciel et la terre. Puis ça grimpe à découvert sur la pierre. Des cavaliers me dépassent peu avant le premier Col de Bocca Palmente.  Il faut avoir confiance en sa monture, quelle qu'elle soit. En redescendant vers la forêt, premier ruisseau, j'explore en amont pour trouver le bassin de ma première baignade. 
J'en ressors plus vivant, le moral aussi léger que mon bagage est lourd. À vue de dos, je dirais 15 kilo, j’ai pas osé peser avant le départ. 
Je pique-nique puis sieste sur un rocher.

On débarque sur une première bergerie, déserte mais en bon état.

La dernière montée est costaude. À mi-chemin et en nage, j'épouse un rocher moussu. Une famille me dépasse sur le sentier. Un homme d'un certain âge assez sportif, deux femmes, et un gars dans la vingtaine. L'homme m’observe comme si je faisais partie du paysage.

J’arrive a Cappanelle vers 16h, premier réflexe: la douche.
J’installe mon hamac en bordure de la zone de bivouac pour être tranquille. Je réserve le repas du soir, Lo m’offre un demi et double mon bonheur. On discute.

Le souper, très convivial, est servi sur des grandes tablées de huit. Je suis assis avec Lo & Ju, et la famille croisée plus tôt. 
Le gardien du refuge amène de grands saladiers qu’on se partage. Je réclame un cruchon d’eau.
"- He, tu as des jambes ? Tu peux aller te le chercher."  S'exclame le gardien.
"- Euh oui c’est vrai, pardon…
- …Nanan, ahaha, he je rigole là !"
Oli est venu avec sa femme Ma et son neveu Al. Quand il m'a vu sur mon rocher il pensait que j'étais un local.
"C'est à cause de la chemise, j'veux dire, qui fait de la randonnée en chemise ?!" m'explique-t-il. 
Sur le grand chemin ça deviendra mon surnom "Le gars en chemise"
Rien d'étonnant à être étiqueté "original" quand tout le monde autour s'habille chez Décath.

Je me constitue un nouveau panier Ptit Déj au magasin.
Au bivouac je rencontre trois belges. Ils sont de Limal. Je rigole : 
"- J’ai habité à Ottignies (le village d'à côté), dans un tiers-lieu d'émergeance de la transition, de la biodiversité et de tous les mots-clés qui te font gagner ta subvention, le bien-nommé : l’Arbre qui pousse."
- Noooon, tu connais G. ?" 
Etc...

Plus on voyage loin, plus on croise ses voisins.