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Voyage cyclonomadique autour de l'Hexagone

(réalisé)
Carnet de voyage, récit d'aventure, journal de bord, peu importe les noms qu'on lui donne, laissez moi vous narrer les 4 6OO km d'itinérance à vélo dans mon tour de France durant le confinement.
vélo de randonnée
Quand : 22/03/21
Durée : 62 jours
Carnet publié par Toma D le 01 juin 2021
modifié le 25 juin 2021
319 lecteur(s) -

Le compte-rendu (mise à jour : 25 juin 2021)


 Un tour de l’Hexagone pendant le confinement
 
« Je vais sortir. 
Il faut oublier aujourd’hui les vieux chagrins,
 car l’ai est frais et les montagnes sont élevées.
Les forêts sont tranquilles comme le cimetière.
Cela va m’ôter ma fièvre 
et je ne serai plus malheureux dorénavant ».
THOMAS DEQUINCEY
Confessions d’un mangeur d’opium

 
 
 
Bande Originale du trip :

Une petite sélection des musiques qui m’ont accompagné durant mes heures de pédalage ou dans les moments de détente en bivouac, alors si tu veux bien te prêter au jeu, choisis un groupe, une chanson que tu aimes déjà ou que tu ne connais pas, appuies sur play et lance toi dans la lecture.

King Gizzar and The Lizard Wizard, album : Flying Microtonal Banana ; K.G ; L.W ; Murder of Universe ; Paper Mâché
Delvon Lamarr Organ Trio, album : Close But No Cigar ; I Told You So
La Caravane Passe, album : Ahora In Da Futur ; Gypsy For One Day ; Veelkom Plétchi.
Sleaford Mods, album : Divide and Exit ; Eton Alive, Spare Ribs.
Mula (FR), single : Raja Souk ; Pinyin Danse ; Basa Pirata
Altin Gün, album : Gece ; On ; Yol.
Systema Solar
The Oh Sees, album : Face Stabber ; Orc ; A Weird Exits
Balkan Beat Box
Higt Tone, tous les albums
Hilight Tribe
Mdou Moctar, album : Ilna (The Creator)





 
Le plan : faire le tour de la France en moins de 76 jours dans le sens des aiguilles d’une montre.
L’objectif : découvrir la France, mon pays, dont je ne connais qu’une infime partie.
La monture : Toulou.
Le pilote : moi, Toma D.
L’équipement : tente, hamac, duvet, popotte, couteau, bref, tout pour être autonome dans un voyage à vélo en itinérance.
L’itinéraire : un tracé favorisant les « grands » itinéraires cyclable le long des cours d’eau.
Le financement : une saison dans l’héliciculture.





 
 
           Alors que je m’attelle à l’écriture de ces lignes, un mois jour pour jour s’est écoulé depuis mon retour, beaucoup d’images, de sensations, me reviennent spontanément en tête tous les jours. J’ai rejoint ma compagne et notre nid d’amour bisontin, qui m’a laissé réaliser ce projet et qui fut d’un secours important dans les moments de doute ou d’épreuves. Comprenant mon besoin de voyage, de connexion à la nature, l’importance de l’équilibre que je tente d’entretenir depuis des années entre une vie sédentaire et des périodes de nomade, entre la figure rassurante de la maison et celle un peu plus troublante du vagabond. Quel doux plaisir que de s’endormi bercé par hululement d'une chouette, d’être réveillé par un concerto pour corbeaux, loin de la ville, plongé dans ce que nous appelons nature mais qui n'est autre que la vie (les animaux que nous sommes ont tendance à l'oublier). Les sens s'aiguisent petit à petit, s’affutent. L'oreille tendue cherche à capter le moindre son pour enrichir mon audiothèque, l'œil est à l'affût, scrutant tantôt le chemin qui défile sous mes roues pour éviter les nombreux trous qui font tanguer le chargement, tantôt le paysage à la recherche de la beauté quotidienne que nous offre le monde. Le nez, toujours pointé vers l'avant, flairant la direction à suivre, la rencontre, mais surtout les milles odeurs printanières qui commencent à naître.


           Il y a des histoires qui commencent par le début, celle du Toulou Trip around the France commence ici, à Besançon, le lundi 22 mars, réveillé aux aurores par l’excitation, par l’appel de la route. L’air froid pique un peu, les câbles sont tendus, les pneus gonflés, est présente cette envie brûlante de laisser la gomme de mes pneus sur l’asphalte des routes goudronnées de France, de changer tous les jours de lieux, dans une découverte perpétuelle de nouveaux paysages en gardant pour seul point fixe le ciel étoilé au-dessus de ma tête de doux rêveur…Bref de me jeter à corps perdu dans cette aventure pour que mon âme s’apaise, de suivre les routes minces pointant vers le lointain jusqu’à avoir le mal de Terre, car « Les hommes qui ressentent douloureusement la fuite du temps ne supporte pas la sédentarisation. En mouvement, ils s’apaisent » (S. TESSON), mon énergie me vient du mouvement, paradoxalement être en mouvement, immobile sur la selle de mon vélo. Aaaaah le vélo…mon vélo…mes vélos… cet objet merveilleux, tant poétique que politique !
           Aussi loin que remontent mes souvenirs, j’ai toujours connu un vélo. Ayant grandi à la campagne, le vélo fut très vite l’outil de mise en relation avec le monde : tous déplacements impliquant une distance conséquente, il était nécessaire d’en posséder un. L’été nous faisions même notre propre Tour de France, à notre échelle bien évidement et se transformait donc en Tour de la commune. Tout y était, les différents maillots, les étapes de « montagne », les contre-la-montre, le podium…
Ce n’est que plus tard que je vouai un « amour » pour le vélo, le plaisir de rouler, de se sentir libre, d’aller où mes jambes peuvent me porter (beaucoup plus loin et plus rapidement qu’en marchant), de comprendre la mécanique de cet objet extraordinaire et ainsi de pouvoir le « customiser » en fonction des envies et de son utilité.

Aujourd’hui je possède 4 vélos : un vieux Peugeot (récupéré chez le grand père de ma compagne) à 3 vitesses, un guidon chopper, c’est la bicyclette de balade se prénommant Germaine; Mamba (parce qu’il est noir et rapide), assemblé avec un pote fou de vélo à partir d’un cadre de course des années 80, c’est le vélo rêvé pour des déplacements dans la jungle urbaine, se faufilant entre les véhicules motorisés avec une agilité sans pareil; et enfin Toulou (abréviation de Toulourenc, un ruisseau s’écoulant aux pieds du mont Ventoux, et qui signifie « Tout ou rien »), taillé pour les aventures cyclonomadiques. De la marque Cinelli, plus précisément le Hobootleg, c’est avec ce dernier que j’ai décidé de partir sur les routes de France. Et enfin le petit dernier, Eduardo, un vélo de course Bianchi en aluminium, acquis très récemment pour pouvoir suivre les copains qui roulent quasiment tous avec du carbone.

 
 
          On m’a souvent demandé lors de rencontres faites sur la route s’il y avait un objectif derrière ce Tour de France, « Vous défendez une cause, vous roulez pour une association ? » et les personnes semblaient déconcertées voire déçues par ma réponse négative, alors que j’esquissais un petit sourire en coin car « Un voyage se passe de motif. Il ne tarde pas à prouver qu’il se suffit à lui-même. On croit qu’on va faire un voyage mais bientôt c’est le voyage qui vous fait ou défait » (N. BOUVIER).
Mais, au-delà du plaisir de rouler, ce périple fut à mes yeux un acte « politique » et ce, à plusieurs niveaux.
Premièrement comme moyen de promotion d’une possibilité de voyager différemment, plus simplement, dans une démarche écologiquement responsable, en étant plus proche des gens qu'en étant enfermé dans une boîte de métal. Deuxièmement, comme promotion du végétarisme, car oui il est possible d’enchaîner plus de 6 heures de vélo en parcourant entre 90 et 120 km par jour (petit record personnel avec une journée à 175 km), sans avoir une alimentation carnée. Troisièmement comme une lutte pacifiste contre les restrictions de liberté grandissantes auxquelles nous devons faire face dans notre « démocratie », qui, depuis de nombreuses années n’a de cesse, au nom de la sécurité, pour son soi-disant bien, à infantiliser son peuple, NOUS ! Enfin, pour promouvoir l’antigaspi avec une forte volonté de favoriser la récupération des invendus des magasins bio ou des marchés. Ce qui n’a pas toujours été évident et suffisant pour me nourrir. Cette impossibilité de me nourrir majoritairement d’invendus représente LA déception de mon voyage… Dans la ville où je vis, la majorité du temps, je suis très souvent obligé de redistribuer une partie de mes « récoltes » de fruits et légumes invendus aux copines, aux copains et aux personnes faisant la manche que je croise, mais durant ce voyage je me suis rendu compte que cela était possible grâce à mes connaissances, mon réseau…

 

           Que de bons souvenirs, de belles rencontres, de magnifiques paysages durant ces deux mois de voyage, même si, pour ne rien vous cacher il eut également des moments plus compliqués que d’autres.  Ce qui fut parfois éprouvant durant ce périple, ce ne sont pas les kilomètre avalés ou encore les conditions climatiques, mais plutôt la solitude. En effet, alors que je suis plutôt de nature solitaire, cette dernière fut parfois dure à supporter au quotidien. Après une bonne grosse journée de vélo, cela aurait été agréable de pouvoir en échanger avec une ou un compagnon de voyage, de blaguer, rigoler etc… Mais, c’est bien le fait d’être tout seul qui m’a permis de rentrer en contact plus facilement avec les personnes, qui, la plupart du temps venaient me parler spontanément, parce qu’il est plus rassurant d’entamer une interaction avec l’Autre lorsqu’il est tout seul. D’un point de vue sociologique, cet Autre, ce tiers solitaire, a moins de chance de déstabiliser, de mettre en « danger » la personne dans l’interaction. C’est donc un paradoxe, sûrement bien connu des voyageurs, mais que j’ai découvert, du moins éprouvé, avec ce voyage cyclonomadique : être seul peut être pesant mais c’est à la fois gage d’une profonde liberté et de faire des rencontres bien plus facilement.
Découvrir la France, mon pays, d’une des meilleures façons qu’il soit : en itinérance à vélo, le meilleur système d’exploration. Parce que ce dernier permet de parcourir de grandes distances en gardant une vitesse humaine, une vitesse qui accorde à l’œil le temps d’observer le monde qui nous entoure. Parce que le vélo va juste à la bonne allure pour prendre la mesure du paysage (qu’il soit naturel ou bâti). Parce qu’opter pour le camping sauvage c’est renouer avec nos instincts nomadiques, se rapprocher de la Nature jusqu’à, quasiment, se sentir à nouveau en osmose avec elle. Prendre la mesure de sa beauté mais également de sa rudesse, car oui être à la merci des éléments apporte à l’esprit un sentiment de liberté mais marque le corps beaucoup plus que ce que j’avais pu imaginer. Le soleil burinant mes oreilles, mes mains, déjà desséchées par le vent et parfois l’air iodée malgré le fait de se tartiner de crème hydratante, j’ai vu mes mains prendre 10 ans en quelques semaines… Mais cette rigueur dont nous nous protégeons avec nos maisons, nos voitures, agit comme une piqure de rappel de notre fragilité animal, nous humains, qui nous considérons au-dessus de tout !


            Autre « découverte » grâce à cette expérience : la puissance de l’esprit ! Même si j’avais pas mal d’entrainement, j’ai pu observer comme, dans une tel entreprise « sportive », le mental est prépondérant par rapport au physique. Il faut sans cesse faire le dos rond, ne pas lutter mais suivre sur le courant, surfer au creux de la déferlante, et c’est la clé de la réussite de ce type de voyage, pour gérer les imprévus, ne pas désespérer face à la difficulté pour apprécier pleinement l’instant présent, en silence, que ce soit assis sur sa selle ou en tailleur, pour accueillir le cœur ouvert les instants de pur bonheur, il faut s’inspirer du corbeau et se laisser porter par le vent ! Une force de l’esprit essentielle pour être « courageux », adjectif que j’ai entendu des centaines de fois dans la bouche des personnes que je rencontrai, croisai et avec qui je n’étais dans un premier temps absolument pas d’accord. Plus que courageux, je me sentais chanceux de pouvoir faire ce voyage, personne ne me l’avait imposé, comment peut-on être courageux lorsqu’on choisit librement ce que l’on fait et que cela ne concerne que sa personne, telle était la question que je ruminai pendant un long moment. Mais finalement, en y réfléchissant, si on considère qu’il peut y avoir trois formes de courages, celui qui fait face au danger et surmonte la peur, celui qui endure la souffrance enfin celui qui affronte la fatigue ou l’ennui, alors oui faisant face aux trois durant ces deux mois, j’ai sûrement développé cette vertu qui est nécessaire pour appliquer la bienveillance et l’amour. J’avais d’ailleurs lu je ne sais plus où que dans la pensée chinoise, il est question de l’épée du cœur pour désigner le courage. Xinjian : « pour que le cœur puisse être épanoui, dans l’ouverture, il faut parfois avoir le courage de se couper, avec l’épée de la sagesse, de nos émotions déséquilibrées et de nos pensées négatives ».



Parce que « (…) la terre nous apprend plus long sur nous que tous les livres. Parce qu’elle nous résiste. L’homme se découvre quand il se mesure à l’obstacle (…) », sans parler de révélation mystique, parcourir les routes de mon pays m’a permis d’entrevoir avec plus de clairvoyance ce qui m’était cher, ce pourquoi je vivais et ce dont j’aimerais vivre : l’écriture et le voyage.  
(Re)Découvrir les personnes que l’on connait déjà ! Avec mes haltes auprès de la famille, des copines ou copains, nous avons pu partager des instants de vie, m’insérer dans leurs quotidiens pour les connaître plus profondément, plus subtilement. Prendre le temps de discuter de tout et de rien, de se confier les uns aux autres, des moments d’une intensité émotionnelle très forte.
 
           Mais attention, être radical, dans son sens étymologique premier c’est-à-dire « aller à la racine des choses », oui, mais pas extrémiste ! Je dois éviter que ma passion du vélo ne se transforme en aversion totale pour les automobilistes car pour 74 % des actifs, ces boîtes de métal motorisées restent le moyen d’aller travailler (à lire Sociologie de l’automobile, un livre qui sert de clef de décryptage du monde automobile).
 
 
Extrait de mon journal de bord :


Jour 1, km 0 : « À la faveur du printemps »
La journée débuta sous le signe de l'ambivalence des sentiments : l'esprit excité par le voyage mais le cœur lourd en quittant ma compagne et notre studio bisontin.... Les craintes quant à mes capacités à tirer les 40kg de bagage (avec quasiment 9kg de nourriture : peur de manquer ?! Plutôt une volonté de se faire plaisir car rien de mieux qu'un bon plat végétarien après une rude journée).
Ce périple cyclonomadique commença sous de très bon hospices, porté par le souffle d'Élios qui n'a pas cessé de me pousser dans le dos, les 100 km initialement prévus se transformerons en 130! Arrivé sur l'île du château à Verdun sur le Doubs, il ne me restait plus qu'à m'installer pour la nuit qui s'annonçait fraîche (1 °C ressenti - 3) mais revigorante.

Questionnement du jour : pourquoi ce sont les personnes qui vous dévisagent le plus intensément qui ne répondent pas à votre salutation... ?
 
Jour 5, km 497 : « Les portes du Sud »
Enfin je respire l'air du sud en traversant de grands vergers en fleurs, et me délecte de l'accent chantant de ces habitants !
Il est à peine 8h30, il fait 8 degrés et je croise une ribambelle de pêcheurs, assis à scruter le bouchon de leurs lignes. Échanges de regards, mais comment peuvent-ils trouver du plaisir à attendre de tuer un être vivant un dimanche matin de si bonne heure ? .... Inversement, j'imagine leurs pensées : "Quel peu bien être le plaisir pour ce gars de pédaler charger comme une mule un dimanche matin par ce froid ?"...
Première chute du voyage.... Ridicule chute : après un cours arrêt pour soulager ma vessie, au moment de repartir une légère perte d'équilibre, le poids du vélo et les chaussures automatiques ne m'ont pas fait de cadeaux. Rien de bien grave mis à part une bonne écorchure au doigts et une poche d'eau de 2L percée (que je tenterai de réparer avec des rustines sans succès). Ayant la flemme de monter la tente ce soir, j'optai pour une chambre dans un "hôtel 4 étoiles" un peu poussiéreux Aux Pommiers, une vieille bâtisse agricole dans laquelle je me vois obligé de partager l'espace avec une souris.
 
Jour 9 : « Rouler ou ne pas rouler ? » (Annonce du nouveau confinement)
J'apprends dans la soirée de ce 31 Mars que tout le territoire est à nouveau confiné.... Mais cela ne change rien à ma détermination de mener jusqu'au bout ce projet du tour de France que je prépare depuis un an. En quoi un cyclonomade représenterait-il un danger, ou un facteur de propagation du virus plus que n'importe quelles autres personnes obligées de se déplacer pour son activité professionnelle ? L'économie capitaliste ne va pas s'arrêter pour le virus alors pourquoi les doux rêveurs devraient-ils s'arrêter de rêver ?! Pourquoi le cyclo-voyageur s'arrêterait de pédaler ?!
Le vrai bonheur est toujours d'accomplir son dessin et c'est alors que notre volonté brille, perçant l'épaisseur de nos corps, ainsi que la lune se dégageant de lourds nuages. Si on change le monde par ses rêves, alors ce rêve pensé depuis une année doit être accompli, car comme le dit le proverbe Chinois : Les grandes âmes ont la volonté ; les faibles n’ont que des souhaits!
Le nom de mon vélo venant de l'abréviation de Toulourenc ("tout ou rien" en patois), j'optai pour continuer mon voyage et clamerai haut et fort que je ne me plierai pas au dictat de l’urgence sanitaire : « Si un homme de principe passe outre la loi, c’est pour poursuivre un idéal élevé »Yves CHALAS.

 
 Jour 13, km 1 048 : « Le pays Cathare, le pays du vent ? »
Barre des 1 000 km passée dans l'après-midi !
Durant les premiers kilomètres mon esprit vagabonde, les bords du canal du Midi, ce long ruban d'eau qui s'étire le long du paysage à un effet méditatif. Je pense aux kilomètres parcourus la veille, à la mer méditerranée, je crois définitivement que je ne fais pas parti du peuple de la mer (mais plutôt à celui des forêts ou des montagnes). Moi qui me faisais une joie d'y arriver j'en suis finalement (à nouveau) déçu.... Alors oui c'est beau, mais plat... Moi qui voulait m'y baigner je suis rebuté par cette forte odeur si caractéristique, le soleil y est agressif et l'air salée me dessèche la peau, les villes traversées assèchent mon âme (en particulier La Grande Motte) .... Mais ceci est tout à fait subjectif, avis d'un campagnard de Franche Comté. En tous cas, je suis beaucoup plus à l'aise sur ce chemin de halage poussiéreux abrité par de grands platanes à saluer les propriétaires de péniches occupés à les briquer.
Petit arrêt dans un "snack" à 11h pour un café, quelques madeleines et un clope. La vie est douce même si le covid terni un peu le tableau : il est dans toutes les bouches mais les gens gardent une forme d'ironie face à la situation.
Seul ombre au tableau un vent constant de face avec de grosses bourrasques qui me donne l'impression d'être tiré en arrière par un élastique. C'est une lutte permanente et j'ai beau, comme le dit un ami, rentrer la tête et mettre un gros braquet, j'ai l'impression de m'user dans un combat perdu d'avance.... Mais il faut tenir le coup, tout est dans la tête (comme beaucoup de chose dans le voyage cyclonomadique), alors je pousse sur la pédale, tire sur l'autre, pousse, tire, pousse, tire, pousse, tire...

 
 
Jour 16, km 1 352 : « Les chiens aboient et Toulou passe »
Enfin le vent dans le dos ! Après l'avoir eu de face de Béziers à Toulouse ça change pas mal de se laisser porter un peu : je peux atteindre une vitesse de croisière aux environs de 22, 24 km/h avec même des pointes à 28! (contre 16,18 km/h avec vent de face).
A peine 25 km après Toulouse je distingue au loin les Pyrénées ce qui me vaut quelques frissons, une bonne chair de poule et quelques larmes (tout seul sur mon vélo à pleurer…). Passé ce moment d'émotion, mon regard y est constamment attiré, ils se dressent tel une muraille aux sommets blancs, comment ne pas être subjugué par cette immensité…


De la pluie mais un paquet de cigarettes blonde quasi plein trouvé (serait-ce un miracle ?) et deux rencontres épiques dans le bois de Lourdes, notamment avec Marcel, 72 ans, sacré personnage qui insista pour me donner son numéro de GSM et m'a fait jurer de l'appeler lorsque j'aurai terminé mon périple ! Le gérant du magasin de vélo de Lourdes bien cool aussi, j'ai pu lui emprunté une clef pour resserrer des rayons de ma roue arrière et une vraie pompe pour contrôler la pression de mes pneus.
Durant cette étape, à chaque village, hameau, mon passage déclenche un concert d'aboiements en tous genres, je n'avais jamais "croisé" autant de canidés dans ma vie. D'ailleurs petit moment frayeur lorsque 2 bosserons sortant d'un centre hippique me courent dessus, tous crocs dehors, mon gentil "gentil perrito" n'a bien évidement aucun effet et j'entends une mâchoire claquer, je n'ai jamais tourné aussi vite les jambes !!
En fin de journée, je trouve un abri avec 3 murs et un toit, la perfection pour faire face à la pluie, même pas besoin de monter la tente. Après un coup de balais, improvisé avec une branche de pin, je jette la couverture de survie au sol, gonfle mon matelas, étale mon duvet et le lit et prêt pour une agréable nuit bercée par les sons de la forêt.

 
Jour 20, km 1 809 : « Vos papiers s'il vous plaît ! »
Trouvant un robinet à côté d'une cabane fermée, j'en profite pour faire un brin de toilette avec ma douche solaire (préalablement rempli avec de l'eau chauffée au réchaud), les derniers rayons de soleil me chauffant la peau et le cœur. Même rapide, cette douche me procure un bien fou (pas lavé depuis 4 jours, c'est ça l'aventure).
Petit moment de panique lorsque, faisant mes étirements quotidiens, je vois une voiture de police s'arrêter et faire demie tour.... Mon cœur s'emballe, le sang tape à mes tempes.... Je prends les devants et sors du sous-bois pour me diriger à leur rencontre. Finalement je n'ai rien à me reprocher, enfin pas vraiment ! Répondant franchement à leur question "Que faites-vous ici monsieur ?" ils me demandent une pièce d'identité. Voyant que je ne représente en soi aucun danger mais tout de même après avoir vérifié mes dires en venant checker mon bivouac et refusant un rooibos, ils s'en vont et me souhaitent même bon courage. Pourvu que les prochains soient aussi cool !

 
Jour 21, km 1 923 : « Le désert des Tartares »
Deux rayons cassés... Et bien évidement je n'ai aucune pince ou clés... Pas de magasin de vélo avant Royan dans plus de 100 km, en espérant que ça tienne !
J'attends.... Une attente, paradoxalement, qui se fait en mouvement....tout en pédalant... J'attends avec impatience de sortir de ce désert de pins, de lignes droites et de panneaux d'interdiction (ici il est interdit de camper, de cueillir des champignon ou des fleurs, de sortir du sentier, d'avoir un chien non tenu en laisse, là de stationner, parfois de se baigner) et il faut que cela arrive vite avant que je devienne marteau !
Après-midi rude pour le mental, avec un vent du Nord en pleine face, des lignes droites de 10 km, je baisse la tête et fixe ma roue avant pour entrer dans un état de semi conscience. Des bosses me font sortir de ma torpeur et je pense alors à m'hydrater. De temps à autres je lance un cri en tentant d'y concentrer mon Ki tel un samouraï des temps moderne sur sa monture d'acier pour fendre le souffle d'Élios en deux et, ainsi, me créer une brèche mais peine perdue, je passe simplement pour un drôle de type qui hurle sur son vélo.... Plus la journée s'écoule, plus je maudis ces terres et me questionne : suis-je masochiste pour m'infliger ça ? Pour un cycliste, l'enfer ce n'est pas les autres, c'est les Landes...
Je trouve un peu de réconfort dans une barquette de fritte (sauce algérienne) acheté dans une bicoque sur la plage, à peine avalée, déjà en selle pour tenter d'atteindre le spot du bivouac  à où se situe des bunkers du mur de l'atlantique où j'aimerais passer la nuit.
19h, objectif atteint !
Je déguste une plâtrée de pâtes au fromage devant l'un des plus beau couché de soleil de ma vie ! J'attends subjuguer que l'astre solaire disparaissent complètement dans l'océan, reprends mes esprits, et me dirige titubant de plaisir vers ma tente.

Jour 28, km 2 652 : « WELCOM TO BREIZH »
Je remonte la France en même temps que le printemps, alors que les genêts terminaient de fleurir lorsque je quittais les Landes, les revoilà en fleur ici. Une migration aux côtés de la plus belle saison.
Pause repas sur une aire de pique-nique (s'asseoir à une table fait un effet étrange), avec une sorte de polenta aux lentilles, oignons rouges et mélange de graines, un repas qui s'annonce des plus ressourçant ! Jusqu'à ce qu'arrive, dans le bruit de leurs grosses voitures une meute de gens, qui commencent à dévorer goulument leur Burger King.... À en croire les poubelles, remplies à ras bord, le lieu doit être le point de rendez-vous d'une drôles d'espèces d'individus. Si c'est ça le monde de demain que l'on nous promettait il y a un an, je n'en fait définitivement pas parti ! Parfois je me sens seul...
Je ne résiste pas lorsque je tombe sur une vendeuse de crêpes et de galettes peu avant mon arrivée à Paimpont et mon cœur chavire pour Gauvain (crêpe au miel) que je mange de suit, une galette Viviane (emmental, œuf, chèvre et miel) et pour le dessert une Merlin (crêpe au caramel beurre salé "fée maison" et chocolat) que je dégusterai en forêt de Brocéliande.
Conseil du jour : n'oublies pas de fermer ta tasse isotherme le soir si tu ne veux pas boire une limace au matin !

 
 Jour 30, km 3 021 : « Where do you come from? »
Je suis réveillé tôt par une averse totalement imprévue par la météo, BIENVENUE EN BRETAGNE !! Tout est humide, ambiance pas folle pour prendre son petit déjeuné, même si l'endroit est beau.
Hier j'ai complètement oublié de faire mes étirements et le ressens dès les premiers coups de pédales…
Qu'importe, les petites douleurs sont vite oubliées lorsque s'offre à mon regard la côte d'émeraude ! Arrivé par l'estuaire de la Rance, je suis tout excité à l'idée d'arriver à Saint Malo (j'adore Corsaires et pirates). La couleur de la mer sous cette belle journée ensoleillée, les riches demeures (manoirs et villas), la côte sauvage et déchiquetée, puis, passé la pointe du Groin, cet éperon rocheux, ultime limite avant d'entrer dans la baie du Mont saint Michel, mirifique ! C'est un autre coup de cœur du périple !
De plus, profitant de gros travaux sur la route côtière, qui est barrée pour les voitures (on passe partout à vélo), je suis seul à rouler sur cette dernière !
Comme un mirage dans le désert, le Mont Saint Michel semble reculer en même temps que j’avance…. Toujours visible mais jamais atteignable.... Allé encore 22 km, mais qui par la piste cyclable se transforme en 30.... J'arrive après 19h dans ce magnifique lieu, espérant y trouver l'hospitalité, mais c'est sans espoir.... Je repars sur le continent un peu déçu... Ma déception en vite comblée par de la joie lorsque je tombe sur Gianfranco et Diego, 2 italiens qui voyagent également à vélo ! Il y a des rencontres dont vous vous rappellerez longtemps, qui marquent votre existence. Celle avec Gianfranco et Diego en fait partie.
Alors que je venais du Mont Saint Michel dépité de n'y avoir pu trouver un lieu pour dormir (même le curé de la ville/commune m'avait bien fait comprendre que ce n'était pas possible.... Avait-il senti mon âme païenne ? ...), alors que je cherchais de l'eau pour la soirée, un homme portant une grosse barbe et un béret vient à ma rencontre. Étant italien, nous échangeons en anglais et il m'invite à passer la nuit avec son ami Diego. Originaires de la région de Milan, ces zinzins se sont lancés dans un voyage cyclonomadique plus fou que le mien.
Malgré notre niveau chancelant en anglais nous passons la soirée à discuter de vélo, de matériel, de nos vies, nous refaisons même le monde. Personnages au grand cœur et pleins de projet, j'espère vivement les recroiser sur les routes d'Europe et qui sais peut-être voyagerons nous ensemble un jour, Ciao raggazi !!



 
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Parce qu'il faut bien commencer par quelque chose, brouillon de mon Tour de France.
Parce qu'il faut bien commencer par quelque chose, brouillon de mon Tour de France.
Mon itinéraire à vélo.
Mon itinéraire à vélo.
25 mars, gel sur la Saône.
25 mars, gel sur la Saône.
5 Avril, la ville rose.
5 Avril, la ville rose.
16 Avril, le Mur de l'Atlantique.
16 Avril, le Mur de l'Atlantique.
25 Avril, Belvédère de 12 m de haut en chataigner près de Redon.
25 Avril, Belvédère de 12 m de haut en chataigner près de Redon.
27 Avril, Chêne âgé d'au moins 1 000 ans en forêt de Brocéliande.
27 Avril, Chêne âgé d'au moins 1 000 ans en forêt de Brocéliande.
2 mai, Caen
2 mai, Caen
6 mai, Baie de la Somme
6 mai, Baie de la Somme
11 mai, en Picardie
11 mai, en Picardie
13 mai, changement de monture à Verdun.
13 mai, changement de monture à Verdun.
15 mai, Les Ardennes sous la pluie.
15 mai, Les Ardennes sous la pluie.
17 mai, Canal Marne-Rhin, barre des 4 000 km franchie.
17 mai, Canal Marne-Rhin, barre des 4 000 km franchie.
Dans la forêt de Chimay.
Dans la forêt de Chimay.
Ne pas chercher un cycliste affamé !
Ne pas chercher un cycliste affamé !
28 Juin, Besançon plateau de FR3 région pour parler de mon Tour de France (interview complète sur @toulou.trip
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