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Randonner léger sous une pluie froide

par erwan dans Voyager léger 16 janv. 2014 mis à jour 28 janv. 2014 5045 lecteurs Soyez le premier à commenter
Lecture 8 min.

L'équipement du MUL sous une pluie froide

Texte et photos : Pierre Dumay (dit Peyo sur le forum)
www.randonner-leger.org
Article publié dans Carnets d'Aventures n°13

La pluie et le froid ; voilà bien des conditions gênantes ! Outre l’inconfort qui en résulte, savoir s’en isoler peut souvent être une question de sécurité.

Il est aisé de rester au sec si l’on n’a cure du poids à transporter : des habits de marin en gros PVC et une paire de bottes sont les armes absolues sous le déluge. Mais si l’on veut profiter au maximum de sa randonnée en portant léger, l’équation devient plus difficile à résoudre…

Pour commencer, et pour lutter contre des idées reçues, je peux déjà dire que je suis bien moins mouillé depuis que je randonne léger que lorsque je marchais avec un lourd équipement en Gore-tex… À la lecture de cet article, certains se diront peut-être qu’ils sont très bien avec leur panoplie en Gore-tex trois couches. Oui certes, ce genre d’équipement protège efficacement de la pluie (NDLR : ce n’est pas toujours ce que nous constatons ; malgré l’énorme campagne de la marque pour associer cette membrane à une étanchéité et une respirabilité irréprochables, dans les faits, on a souvent été déçus) mais combien pèse-t-il ?, combien de fois l’utilisez-vous en randonnée ?, et quel est son coût ?

Faire le choix de vêtements qui sèchent rapidement

Le Marcheur Ultra Léger (MUL) n’emporte que très peu de change de vêtement. Ses vêtements doivent donc sécher rapidement (idéalement pendant ou juste après l’effort) pour lui permettre de lutter efficacement contre le refroidissement.

Outre le fameux système multicouches dont les grandes marques nous parlent sans cesse, il faut envisager son équipement dans sa globalité, comme un tout indivisible. Ainsi, vous pouvez avoir un très bon équipement de pluie, parfaitement respirant et imperméable, et être fortement pénalisé par des sous-vêtements en coton. Une paire de chaussettes ou même un caleçon en fibres naturelles (hors laine fine) seront le point faible de votre équipement et pourront faire rayonner l’ensemble de leur inconfort sur tout votre corps.

En conditions froides, le corps va se fatiguer à réchauffer chaque zone humide et froide. Il faut donc réduire au maximum ce temps de séchage, que cela soit lors de l’effort ou en position statique.

Pour continuer à tordre le cou à des idées reçues, notez que des tests en laboratoire ont prouvé que les laines à fibre fine (inférieur à 20 microns, de type laine Mérinos, opossum ou alpaga) possèdent les mêmes capacités de séchage que les matières synthétiques (polypropylène, polyester). Elles ont en outre une meilleure résistance à l’abrasion et peuvent à présent passer en machine sans rétrécir.

La combinaison gagnante : poncho et veste déperlante

Voilà une combinaison simple, efficace et peu onéreuse que j’utilise depuis de nombreuses années. Voyons comment fonctionne ce type de système :

Principe de déperlance

Quand on pense aux vêtements imperméables et respirants, on regarde directement la membrane ou l’enduction qui les constitue. Celles-ci permettent à la vapeur d’eau du corps de s’échapper vers l’extérieur tout en évitant à la pluie de pénétrer. Or ces membranes ou enductions perdront rapidement de leur qualité si le tissu sur lequel elles sont structurées perd de sa déperlance.

Pour que ces échanges se fassent au mieux, le tissu externe doit continuer à drainer l’eau, telles les plumes d’un canard qui laissent couler l’eau sans s’en gorger (c’est la déperlance). Sinon, la vapeur d’eau dégagée par le corps est bloquée par cette pellicule d’eau.

Or la déperlance d’un tissu est souvent apportée par des agents chimiques qui ont une durée de vie limitée et qu’il faut donc régulièrement réactiver avec des sprays aérosols ou des lotions. Outre le coût supplémentaire et l’impact écologique, il est bon de noter que cette capacité peut largement diminuer sur une seule et même randonnée. Au regard de cela, comment peut-on bénéficier d’un système parfaitement respirant et imperméable sans pour autant amener son spray déperlant avec soi en randonnée ?

Fonctionnement de la combinaison poncho - veste déperlante

L’idée est donc ici de permettre à la veste de respirer sans qu’elle soit gênée par la pellicule d’eau de pluie. Avec la combinaison poncho-veste déperlante, le poncho lutte contre l’humidité externe (la pluie, la neige) et la veste déperlante (fortement respirante) gère l’humidité interne (la vapeur d’eau dégagée par le corps). Au lieu de traiter ces deux types d’humidité au même endroit (la face externe d’une veste imper-respirante), on les compartimente en créant un microclimat entre le poncho et la veste déperlante.

Le poncho reste totalement imperméable et son large volume d’air (souvent renouvelé) permet à la vapeur d’eau corporelle de s’échapper de manière mécanique. La vapeur d’eau résiduelle ne retourne pas au contact des habits ou de la peau grâce à la déperlance de la veste.

Voici la première couche du système : la veste déperlante (mais non imperméable)

Notez les guêtres ainsi que le bas du pantalon relevé pour éviter de le mouiller (il n’a pas besoin d’être imperméable puisqu’il sera protégé par le poncho)

Couche déperlante

Voici la seconde couche du système : le poncho

Notez la cordelette qui ceinture la taille, rendant le poncho plus solidaire lors des mouvements.

Truc et astuces

- Lors de précipitations importantes, les jambes et les bras peuvent être effectivement mouillés si la longueur du poncho n’est pas assez importante. À cet égard, il faut éviter les capes de pluie qui, à la différence des ponchos, sont fermées sur les côtés et possèdent des manches. Elles ne bénéficient pas des mêmes capacités de ventilation que les ponchos et vous risquez d’être fortement mouillé par votre propre sueur.

- La bonne solution consiste à relever les manches et les jambes de son pantalon si le climat est tempéré. Quand il est froid, on peut découper au préalable deux manches dans une veste de type k-way bon marché. Pour quelques grammes, on aura donc les bras protégés.

- Pour le bas en conditions froides, on pourra utiliser des guêtres qui arriveront à la jonction du poncho.

- Le poncho est souvent critiqué pour son manque d’efficacité par grand vent. Une solution consiste à se ceinturer la taille avec une petite cordelette ; j’utilise cette technique simple et efficace en montagne, me permettant ainsi de plaquer efficacement le poncho et de voir où je pose mes pieds.

- Le poncho peut aussi servir efficacement d’un abri provisoire pour les moments de pause. Par temps froid, vous pouvez même utiliser une petite bougie chauffe-plats sous votre poncho. Assis sur votre tapis de sol ou votre sac à dos et adossé à un arbre, vous aurez un abri confortable qui vous permettra de commencer à faire sécher directement vos vêtements sur vous en attendant que la pluie passe. Attention toutefois de ne pas vous brûler !

- Par ailleurs, il semble nécessaire d’évoquer l’usage des vêtements thermiques. Dès qu’il fait froid, de nombreux randonneurs se couvrent fortement avant de se mettre à marcher. Or, rapidement au cours de l’effort, le corps dégage de la chaleur et de la vapeur d’eau. En étant trop couvert, on va inutilement suer et donc tremper les vêtements thermiques sur lesquels on souhaiterait compter pour le bivouac ou une pause. N’hésitez pas à prendre le temps de gérer vos différentes couches thermiques (mettre et enlever plusieurs fois si besoin). Il vaut mieux partir plus légèrement vêtu et ajouter des couches si réellement le froid est trop intense que le contraire.

Protéger les extrémités

Les pieds

De nombreux MUL marchent été comme hiver avec des chaussures de trail (running tout-terrain, chaussures tige basse). Elles ont l’avantage d’être légères et très confortables. Par temps humide une membrane gore-tex peut être un véritable avantage mais ce sont réellement les capacités de drainage et de séchage qui font la différence. En effet, à la différence des grosses chaussures de randonnée qui ont des semelles rigides et qui laissent le pied « inactif », les trails permettent aux pieds d’être toujours en action. Le déroulé prononcé du pied lui permet de produire de la chaleur même lorsqu’il est humide. Allié à un drainage efficace de l’eau, la chaussure sèche souvent d’elle-même après une grosse averse.

Dans des conditions de précipitations intenses, le séchage en temps réel devient inopérant et il faut aider le pied à préserver sa chaleur. Pour cela bien entendu, on peut adjoindre de petites guêtres (de type Raidlight) pour limiter les déperditions thermiques et les entrées d’eau.

Ensuite, il faut « habiller » le pied. Pour éviter de mouiller ses chaussettes, on pourra les revêtir d’une surchaussette gore-tex (de type Rocky - www.rockyboots.com). Très efficaces, ces surchaussettes permettent d’opter pour des chaussures non gore-tex qui seront plus respirantes (et donc plus confortables) en climat sec et chaud.

Dans les cas les plus extrêmes, on pourra adjoindre une chaussette imperméable et non-respirante (par exemple les VB Socks de www.integraldesigns.com) sous la chaussette (un sac plastique peut aussi faire l’affaire). Ce concept anglo-saxon de « vapor barrier » aide à garder le pied dans un environnement chaud et humide tout en préservant les qualités thermiques des chaussettes.

Ainsi, en appliquant ces différents procédés, on peut marcher avec des trails dans des conditions difficiles et même dans la neige. Personnellement, cela fait plusieurs années que je randonne en montagne en hiver avec ce genre de procédés.

Ici : des trails Velocity XCR de chez Vasque associées à des guêtres Raptor de chez Outdoor Design et des chaussettes Midweight Merinos de chez Patagonia)

Les mains

En dehors des périodes hivernales, il est contraignant de porter moufles et surmoufles. Or les mains sont souvent des zones d’inconfort notoires lors de mauvaises conditions météo. Il existe des surgants de qualité et légers mais ils sont souvent onéreux (ou alors il faut les commander à l’étranger).

Pour garder les mains au chaud et au sec, j’utilise une méthode bien connue des glaciéristes : les gants en caoutchouc de ménage. Sur le même principe de « vapor barrier », j’enfile un premier gant en caoutchouc à même la peau, puis un gant en soie ou en polaire (les premiers prix des grandes enseignes de sport font souvent bien l’affaire), et pour finir, un second gant en caoutchouc. Mes gants thermiques (soie ou polaire) ne sont alors pas mouillés, ni par la pluie ni par ma sueur. Je n’ai donc pas besoin de gants de rechange.

En fonction de l’abrasivité du milieu rencontré, on peut prendre des gants en caoutchouc plus ou moins résistant (du gant en latex transparent ou gros gant pour produits corrosifs) ou même prendre en double une paire de gant en latex fin (2g l’unité). Notez que je n’ai jamais eu de problèmes de déchirure à cause de la poignée de mes bâtons.

La tête

La tête est un élément prépondérant qui occasionne près de 30% de nos déperditions thermiques. Il convient donc de la protéger au mieux.

Logiquement, la capuche du poncho est là pour éviter à la pluie de pénétrer. L’idéal étant de mettre d’abord la capuche de veste imper-respirante, puis une casquette et pour finir la capuche du poncho. La casquette ainsi positionnée permettra de réguler au mieux la vapeur d’eau (la nuque en dégage beaucoup pendant l’effort) sans pour autant mouiller trop fortement les cheveux.

Un bonnet en laine ou laine fine est aussi un élément de choix qu’il vous faut emporter été comme hiver.

En cas de conditions humides et froides : adoptez la méthode P.E.G. !

Pour conclure, gardez à l’esprit que des conditions de pluie et froid associés ne doivent pas être prises à la légère ; il peut en aller de sa survie. On peut raisonner en 3 étapes que l’on pourrait résumer par les 3 lettres PEG :

- « P » pour Prévoir : on doit mettre tout en place a priori pour savoir à quoi s’attendre. La consultation des bulletins météo ainsi que le contact avec les habitants du lieu sont de bonnes sources d’information. N’hésitez pas à retarder votre départ ou à transformer votre itinéraire si les conditions prévues sont difficiles.

- « E » pour s’Équiper : n’attendez pas d’être pris sous une grosse averse pour sortir votre matériel. Dans certaines contrées, des pluies torrentielles surviennent en quelques minutes. Mouiller ses habits et, pire, son équipement de bivouac peut avoir de graves conséquences. Ayez toujours votre poncho à portée de main et, si le temps est à la pluie, mettez vos guêtres et la veste déperlante dès le début de la rando, ça sera autant de temps gagné.

- « G » pour Gérer : comme nous l’avons vu, il convient de gérer son effort pour éviter de transpirer et de mouiller ses vêtements, la régulation thermique corporelle passe par là. Mais gérer c’est aussi savoir s’arrêter sous son poncho en cas de grosse averse ou même monter son abri prématurément. Dans les conditions les plus difficiles, vous devrez faire un choix entre presser le pas pour tenter rejoindre un abri ou vous arrêter pour faire un bivouac laissant passer le mauvais temps. Un choix souvent délicat…

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