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Monter son vélo pour pas cher

Anthony
par Anthony
21 juin 2023
mis à jour 07 août 2023
984 lecteurs
Lecture 16 min.

Rouler avec un vélo assemblé soi-même, n’est-ce pas un moyen supplémentaire de vivre pleinement son voyage ? Une démarche enrichissante à bien des égards. Que l’on soit bricoleur dans l’âme ou pur néophyte, les ateliers vélo participatifs et solidaires rendent la démarche accessible à tous. Petite incursion dans les rouages de nos biclous.

Quel que soit l’itinéraire envisagé, le voyage à vélo est une réponse possible à un appel du large, à une envie de liberté. Avant même de monter sur sa selle, le voyageur s’imagine sillonner les routes, savourant la simplicité et la douceur de vivre, cheveux au vent. Loin d’être une image d’Épinal, ce rêve peut devenir réalité après avoir répondu à une des nombreuses questions qui jalonnent les préparatifs du départ : avec quel vélo partir ?
Parfois synonyme de casse-tête pour un premier voyage, cette problématique est incontournable. Quoique le terme de « problématique » me dérange, puisqu’il suggère étymologiquement que ce choix est une source de difficulté. Abordée sous un autre angle, cette question peut s’avérer aussi ludique et excitante que le choix de la destination de voyage. Choisir une chaîne de vélo peut-il être aussi féérique que se plonger dans des cartes ? On peinerait à le croire. Et pourtant !
Avant toute chose, partons d’un constat simple : un vélo mal adapté peut transformer un magnifique voyage en calvaire. Qui aime marcher avec des chaussures qui lui font des ampoules ? On préfère naturellement s’attarder sur la beauté du paysage que sur le traitement d’un bobo, qu’il touche le cycliste, la machine, sinon les deux. Même dans un voyage en solitaire, la petite reine et son cycliste sont une équipe. Elle ne peut pas avancer sans lui, et lui ne peut pas avancer sans elle. Enfin si, mais à pied : plutôt cocasse pour un voyageur à vélo !
Pour éviter de telles déconvenues, penchons-nous sur une manière de choisir sa monture : la monter soi-même. Bonne nouvelle, cette approche n’est pas réservée à l’élite du bricolage, bien au contraire ! Monter un vélo est accessible à tout un chacun, que l’on manie le fouet à chaîne à la perfection ou que l’on découvre pour la première fois comment coller une rustine. Monter son propre vélo est une expérience, un préambule à l’aventure… Et si nous mettions les mains dans le cambouis avant de prendre la route ?

Photos : Atelier du Chat Perché (Lyon), Matthieu Allereau, Sylvain Roux

Réinventer la roue ?

Et si votre vélo de voyage n’était dans aucun catalogue ? Le choix peut paraître étrange à première vue, d’autant qu’il existe pléthore de vélos pour voyager sur le marché, du neuf ou de l’occasion. Géométries, équipements, matières premières, finitions, etc., il y a largement de quoi se perdre ! Notamment pour le voyageur néophyte… Quelques recherches suffisent pour trouver de la littérature sur le sujet (comme le hors-série voyager à vélo par exemple :-)) et dégager les premiers critères de sélection pour sa monture. Cadre acier ou aluminium, guidon droit ou papillon, roues 26 pouces ou 700C… Là n’est pas le sujet du présent article, ces questions nécessitant à elles seules un ouvrage entier. Et il y en a pour toutes les bourses.
Devant cette offre abondante, on ne peut que se réjouir : malgré son âge, la petite reine sait se réinventer. À l’instar des manières de voyager qui n’ont de cesse de se renouveler et d’innover, le vélo ne s’enferme pas dans un style et continue de s’adapter pour proposer de nouvelles perspectives. C’est aussi pour cette raison qu’après 50 numéros nous continuons d’être émerveillés par chaque voyage à vélo ! Si l’œil cynique peut voir dans le foisonnement de ces nouveautés un certain opportunisme des constructeurs pour profiter d'un secteur en pleine croissance, nous nous réjouissons d'une telle multiplicité ! Les fatbikes sont d’ailleurs une parfaite illustration de ce renouvellement (cf. récit Fat&Fly), tout comme les « gravel bike ».

Les mains dans le cambouis

Alors à quoi bon assembler son vélo soi-même ? Avant de monter quoi que ce soit, démontons quelques clichés tenaces. Construire son vélo n’implique ni d’être un nostalgique qui ne jure que par une belle bicyclette des années 80, ni d’être un réactionnaire qui boude ce qui se fait actuellement. Aujourd’hui, je ne conseillerais à personne de débuter le ski avec des skis droits, tandis que j’invite volontiers à découvrir le cyclovoyage avec un vélo du siècle dernier. Et surtout, au risque d’insister, construire son vélo n’est pas réservé aux férus de mécanique et autres bricoleurs dans l’âme.
Intéressant sur de nombreux aspects, assembler son vélo de voyage s’inscrit plutôt dans une démarche alternative qui lie l’utile à l’agréable. Mettre les mains dans le cambouis est une solution parmi d’autres pour goûter au plaisir du voyage à vélo. Voire partir sur un tour du monde !
Avant de se salir les mains, je me dois de parler succinctement de mon expérience personnelle. J’ai commencé à m’intéresser au sujet il y a bientôt 10 ans, je me rendais en stage Erasmus en Angleterre à vélo. C’était mon premier voyage, j’en garde un souvenir impérissable : je crois bien avoir attrapé là le virus du cyclovoyage. Pourtant, mon vélo n’était absolument pas conçu pour transporter des sacoches. Ce qui devait arriver arriva : une belle panoplie de péripéties mécaniques a parsemé mon chemin. Rayons qui cassent à deux pas d’un bouclard, porte-bagages qui cède au moment d’arriver chez des amis, chaîne qui ne défaille que par beau temps… Chance du débutant ou heureux hasard ? Toujours est-il qu’à mon retour, l’envie de repartir voyager à vélo me semblait évidente, à condition d’y ajouter une pointe de fiabilité :-). Mais par quoi commencer ? Acheter un vélo neuf ne m’apporterait qu’une demi-réponse, j’avais également envie de comprendre comment la machine qui m’emmenait partout pouvait tomber en panne. C’est le déclic : je monte alors mon premier vélo de voyage dans ma cave, en glanant des informations sur le web. Je connais ce vélo comme le fond de ma poche, et j’ai l’impression de ne faire qu’un avec lui quand je pars en voyage ! (Lui dort à l’extérieur de la tente quand même :-)).
Quels que soient leurs projets, de nombreux cyclovoyageurs choisissent cette alternative. Parmi eux, j’en ai rencontré trois : Agathe, Sabine et Simon. Chacun est parti pédaler dans un coin du globe, pour un mois ou pour deux ans, à sa vitesse, à sa manière. Trois parcours de vie, trois voyages, et un point commun : avec leur petite reine assemblée par leurs propres soins, ils ont pleinement apprécié leur périple. À partir de maintenant, ce sont eux qui ont la parole !

La mécanique et moi, ça fait trois

Argument souvent entendu mais peu entendable :-). Déjà, définissons ce que signifie « construire son vélo ». Il ne s’agit pas de souder un cadre ni de rayonner soi-même une roue. Un constat s’impose : le vélo est une machine simple. Peut-être pas à première vue, j’en conviens. Mais à y regarder de plus près, les mécanismes sont relativement basiques, ce qui permet, avec très peu d’apprentissage, d’en comprendre la majeure partie. Et qui dit comprendre dit savoir démonter, remonter, réparer. Construire son vélo, c’est donc tout ça à la fois.
Dans l’exercice, Agathe, Sabine et Simon n’y connaissaient pratiquement rien il y a quelques années. Aujourd’hui, ils savent prendre soin de leur fidèle destrier, l’entretenir et réparer la majorité des pannes. Un grand pas vers ce qu’il convient d’appeler la « vélonomie », sans avoir de Bac+5 bricolage en poche, ni avoir potassé quelque littérature.
Rares sont ceux qui se lancent seuls dans une telle démarche. Sabine a frappé à la porte d’amis tandémistes qui ont tout le nécessaire : des outils et surtout une riche expérience en la matière. Mais comment faire si dans son entourage, la mécanique vélo n’est pas à l’ordre du jour ? Une belle occasion d’aller frapper à la porte d’un « atelier participatif et solidaire de réparation de vélo », comme l’ont fait Agathe et Simon.

Atelier participatif et solidaire ?

Pour monter, démonter, entretenir un vélo, quatre éléments sont indispensables :

  • Des outils
  • De la place pour bricoler
  • Savoir quoi faire (!)
  • Du temps

Pour les trois premiers, on est bien d’accord, des contraintes peuvent compliquer la tâche : en matière d’outillage, un tournevis et une clef Allen ne suffisent pas, il faut parfois avoir recours à quelques outils spécialisés.
Bonne nouvelle, si vous avez le quatrième ingrédient – du temps donc –, il existe des structures qui proposent les trois autres : les ateliers participatifs et solidaires de réparation de vélo. Ce sont des lieux associatifs aux allures d’atelier vélo : de l’espace et des outils, tout le nécessaire pour opérer un biclou y est. La différence ? C’est le cycliste qui passe derrière le comptoir pour mettre les mains dans le cambouis. Dans ces lieux, des bénévoles et/ou des salariés sont là pour guider, aider, conseiller le cycliste.
En bref, tous les ingrédients y sont réunis pour apprendre la mécanique vélo de A à Z, quel que soit son niveau initial. L’accessibilité est d’ailleurs le maître-mot, économiquement parlant également : dans la majorité des ateliers, une simple adhésion annuelle permet l’accès, souvent située entre 10€ et 30€. Une somme bien modique au regard de tout ce que l’on peut trouver dans un tel atelier !
Pour réparer un vélo, les outils et les conseils ne suffisent pas, il est souvent nécessaire d’avoir du stock de pièces détachées. La seule matière première de ces ateliers : le réemploi. Un circuit qui se veut à l’opposé du gaspillage : récupération, dons, conventions avec les déchetteries… Certains vélos sont retapés pour être vendus à bas coût, d’autres sont laissés en l’état pour être vendus encore moins cher, en laissant le soin au futur acquéreur de le retaper lui-même, au sein de l’atelier. Tandis que les vélos restants sont complètement désossés, et chaque pièce détachée qui peut encore servir est stockée pour remettre en état d’autres vélos. La boucle est bouclée ! Réparer, réutiliser, conseiller sont les piliers des ateliers participatifs, dont les missions sont parfois bien plus étendues (cf. encart).

Do It Yourself

Fais-le toi-même, mais pas tout seul. Tel pourrait être le mantra de cette démarche, ou le fronton de chaque atelier. Vous l’aurez compris, pour qui souhaite prendre en main la mécanique vélo, on ne peut guère mieux tomber qu’au sein d’un atelier participatif.
Agathe et Simon ont opté pour cette solution : c’est dans les locaux de « Mobilidées » – l’atelier de Gap – qu’ils ont monté leur vélo de voyage. Ils y ont trouvé les conseils techniques, l’entraide, et l’énergie pour construire le vélo qui les accompagnera pendant tout leur séjour. Chacun a pu, de ses propres mains, désosser son vélo et le réassembler à sa guise, pour vérifier, entretenir sinon changer les différentes parties. Transmission, freins, jeu de direction, boitier de pédalier… les entrailles de leur destrier n’ont plus de secret !
Revenons au quatrième ingrédient : le temps. Cette démarche semble plus chronophage qu’un simple achat de vélo. À première vue, c’est le cas pour Agathe et Simon, qui ont respectivement mis 1 et 3 mois pour monter leur vélo. Toutefois, il ne s’agissait pas de s’atteler à la tâche tous les jours pendant cette période ! Au contraire, ils ont véritablement pris le temps de le faire, petit à petit, en s’y mettant plus ou moins régulièrement, pendant leur temps libre. Comme dans tout projet de ce type, ils ont rencontré quelques surprises qui leur ont valu des petits contretemps, mais c’est encore la dimension participative de l’atelier qui a permis de les outrepasser. Pièces incompatibles, écrous récalcitrants, grincements suspects : à chaque problème sa solution, toujours résolu collectivement.
À les écouter, ces trois voyageurs ont véritablement vécu une aventure avant l’aventure. Derrière la mécanique pourtant peu séduisante se cachait une formidable aventure humaine. Le tout dans une ambiance chaleureuse et conviviale, comme le souligne Agathe, qui s’est sentie totalement accompagnée dans ses choix et dans ses difficultés tout au long de sa démarche. Avec à la clef une parfaite démystification de leur fidèle acolyte, le biclou. « Tout bénef » comme on dit :-).

Un vélo pas cher !

Un des aspects attrayants est le côté économique d’une telle démarche. Déjà parce que l’idée est souvent de démarrer à partir d’un vélo récupéré ou acheté à prix très réduit (souvent moins de 100€), auquel on va apporter l’entretien et les modifications nécessaires pour arpenter routes et chemins. Une économie substantielle, qui ne s’arrête pas là, selon comment on équipe son vélo.
Sabine a rénové un vélo trouvé sur la terrasse « d’un copain d’un copain », qui prenait l’eau sans faire un seul kilomètre (je parle du vélo hein ;-)). Coût de l’opération : zéro. Ou peut-être une bière ? Je n’ai pas osé demander.
Si comme Agathe et Simon vous n’avez pas la chance de croiser un vélo qui s’ennuie, c’est encore le moment d’aller voir votre atelier participatif, vous y trouverez certainement votre bonheur. Rien que ça. L’occasion d’aller donner une nouvelle vie à un vélo qui ne demande qu’à être retapé, pour une poignée d’euros. Et potentiellement de remplacer certains de ses composants par d’autres pièces elles-mêmes récupérées que vous pourrez aussi probablement dénicher au sein de l’atelier. Le vélo d’Agathe en est un parfait exemple : hormis quelques éléments neufs (souvent qualifiés de « consommables » puisque ce sont des pièces d’usure classiques : pneus, câbles et gaines, patins de frein), sa monture est exclusivement composée de pièces de récupération.
Les coûts varient légèrement selon les ateliers (chaque association est indépendante) mais restent sans commune mesure avec de l’équipement neuf. Cela n’empêche pas de choisir quelques pièces neuves, pour des raisons évidentes de confort ou une recherche de fiabilité long terme. C’est ce qu’ont fait Sabine et Simon pour des éléments comme la selle, les roues ou les porte-bagages. Après tout, vous avez aussi le droit d’équiper votre vélo récupéré d’une sonnette flambant neuve !
Au bilan, la récupération permet de construire une grande partie de son vélo pour un coût minimal, sans compromettre la fiabilité (on y reviendra). Et dans ce domaine, les ateliers participatifs sont des lieux idéals pour pratiquer le « re-cyclage ». On y fait du neuf avec du vieux.

Mémo vélo

Vous avez déjà votre vélo ? L’atelier participatif le plus proche est trop éloigné ? Il n’est sûrement pas trop tard pour se procurer le « Mémo vélo ». On en a déjà parlé dans CA#46 : c’est un petit guide qui résume en 46 pages l’essentiel de ce qu’il faut savoir pour entretenir, réparer, et bichonner son biclou. 100% fabriqué au sein de l’atelier participatif de Gap, encore une belle initiative pour rendre le vélo accessible à tous !

mobilidee.org/meme-velo

Éthiquement compatible

En parallèle de l’aspect économique, c’est aussi l’esprit écologique qui est particulièrement plaisant. Si vous avez bien lu entre les lignes du paragraphe précédent, je ne vais pas m’attarder sur le sujet, les raisons semblent assez évidentes. Cette démarche de réutilisation se marie naturellement avec le voyage à vélo en itinérance. L’envie de vivre en harmonie avec la nature, de ralentir par rapport à une société qui va (et qui consomme) trop vite, d’adopter un train de vie plus respectueux de l’environnement. Autant de valeurs qui sont souvent à la source des voyages évoqués dans Carnets d'Aventures. Quoi de plus logique pour qui aime sillonner la nature à vitesse humaine ? Une éthique en parfaite adéquation avec cette démarche de recyclage. Et pour cause : une pièce récupérée est une pièce qui n’est pas à produire. Donc un coût énergétique proche de zéro, ce qui explique naturellement l’aspect économique évoqué précédemment.
Si Agathe, Sabine et Simon ne boudent pas l’atout économique, c’est aussi et surtout la conviction de s’inscrire dans un cycle vertueux de réemploi qui les a motivés. Tous les trois s’accordent à dire qu’ils se retrouvent ainsi en phase avec les valeurs qui les animent. Aux antipodes de l’obsolescence programmée, la petite reine sait parcourir la Terre même parée de pièces du siècle dernier.

Participatifs et solidaires ?
Les missions des ateliers

Au-delà de la mécanique pure, les ateliers participatifs et solidaires de réparation participent à de nombreuses missions articulées autour du vélo au sens large. Leur vocation est de promouvoir son usage et le rendre accessible au plus grand nombre. L’espace de réparation participatif n’en est qu’une facette, certains ateliers proposent, par exemple :

  • Des festivals, comme le Festividées à Gap
  • Des « mini-formations » pour apprendre les bases de la mécanique vélo
  • Des « vélo-écoles » (pour apprendre à rouler en ville)
  • Des balades à vélos
  • Des animations de rue
  • Des vélorutions festives !

Et bien d’autres !

Quant à l’aspect solidaire, elle est aussi la raison d’être des ateliers. Matthieu Allereau, actuellement chargé de mission à l’Heureux Cyclage, y met un point d’honneur. Auparavant très investi dans un des ateliers participatifs de Grenoble (« uN p'Tit véLo dAnS La Tête ») et passionné de voyages à vélo, ses quelques mots le confirment : « En tant qu'animateur d'atelier, j'ai toujours pris un grand plaisir à accompagner les gens qui avaient un projet de voyage, à les conseiller dans le choix du cadre et des pièces, à souder sur mesure des porte-bagages, etc. Puis à les conseiller sur les itinéraires, leur filer des infos sur les visas… Pour la bonne et simple raison que la communauté des voyageurs à vélo, si hétéroclite soit-elle, est très solidaire : partage d'expérience, d’infos, parfois même de cartes géographiques lorsque les routes se croisent (c'est du vécu). On m'a beaucoup aidé quand j'ai fait mon premier voyage, et la manière de rendre cette générosité, c'est de la confier aux suivants ».
Belle façon de renvoyer l’ascenseur, un souhait que de nombreux voyageurs ont à leur retour.

Point de départ, point de rencontre

Que l’on se rende dans un atelier participatif ou non, cette démarche DIY pousse naturellement à se renseigner auprès d’autres cyclovoyageurs. Sources d’astuces en tout genre, les conseils avisés sont aussi nécessaires à la confection d’un itinéraire qu’à la préparation de son vélo.
Pousser la porte d’un atelier participatif ouvre tout naturellement à ce vaste monde de recommandations, d’inspiration et d’avis éclairés. Pour s’être lancée pour la première fois dans un voyage aussi long, Agathe en a le cœur net, ces lieux sont un soutien précieux pour qui souhaite se lancer dans le voyage à vélo. Conseils, contacts, soutien moral et physique, dons de matériel, etc., elle ne tarit pas d’éloges envers les ateliers qui l’ont encouragée dans son projet à bien des reprises. Il en est de même pour Simon qui a glané à Mobilidées un tas d’informations avant son premier coup de pédale.
Sans passer par un atelier, Sabine a également composé avec l’avis d’autres voyageurs à vélo. À l’écouter vanter les mérites d’un collier de plomberie pour fixer des porte-bagages, difficile de croire qu’elle ne réparait presque jamais son vélo avant !

Le réseau des ateliers : l’Heureux Cyclage

Au niveau national, ces ateliers sont de plus en plus nombreux. Si l’on en recensait uniquement dans les grandes villes il y a une dizaine d’années, il existe aujourd’hui plus de 200 ateliers en activité sur le territoire ( carte des ateliers disponible sur heureux-cyclage.org).
Bien que chaque atelier soit géré indépendamment, un réseau s’est formé pour les regrouper : l’Heureux Cyclage. Sa vocation est de fédérer les ateliers participatifs qui s’inscrivent dans cette démarche de recyclage, de promotion du vélo et de transfert de connaissances. En mutualisant les ressources, l’Heureux Cyclage propose de nombreux outils pour favoriser la création et le développement des ateliers, de les accompagner dans leurs projets. En effet, derrière la mécanique, la gestion d’un atelier requiert beaucoup de logistique. Le réseau y apporte un soutien pertinent : formations, demandes de subvention, accès aux locaux, services informatiques… Une approche cohérente qui permet à chaque atelier de se focaliser davantage sur sa fonction première : rendre le vélo accessible à tous.
Parallèlement, l’Heureux Cyclage est un porte-voix des ateliers : grâce au réseau, la multitude d’actions à échelle locale prend une portée nationale et bénéficie d’une visibilité importante auprès des pouvoirs publics et autres acteurs de la mobilité.

Pour donner deux exemples de mutualisation accessible à tous :

  • Les Voyageureuses : il permet que chaque adhérent d’un atelier puisse se rendre dans un autre atelier du réseau, même s’il n’en est pas adhérent. Le but est de « favoriser les rencontres tout en donnant un coup de main à ceux qui partent en vadrouille et peuvent faire face à des désagréments techniques ». De quoi voyager serein donc :-).
  • Le Wiklou : à l'instar de Wikipédia, c’est un site collaboratif dédié à l’univers du vélo sous toutes ses facettes. De la trousse de secours du cycliste à l’accompagnement pour la création d’un atelier en passant par toutes les astuces DIY, le Wiklou regorge de ressources intéressantes. Il se veut aussi participatif qu’exhaustif : wiklou.org

Et sur la route ?

Vous l’aurez compris, cette démarche donne un avantage net une fois en voyage. Pour une simple et bonne raison : vous connaissez votre biclou par cœur. Identifier un bruit suspect, réparer un début de panne, entretenir sa machine… Rien n’échappe à nos trois voyageurs ! Sans prétendre pouvoir tout affronter, ils ont la nette sensation d’avoir fait un grand pas vers la « vélonomie ». Si l’adage « qui veut aller loin ménage sa monture » se vérifie, ils partent pour de nombreux kilomètres !
Comme évoqué précédemment, c’est aussi une très bonne école du « système D », une arme redoutable pour faire face aux aléas mécaniques. On ne crève pas toujours à 100 mètres d’un bouclard. Particulièrement si l’on roule dans quelques contrées éloignées…
Quid de la fiabilité ? Forts de cette expérience, Agathe, Sabine et Simon ont pris la route avec une certaine sérénité. Non dénuée d’une petite appréhension, peu à peu estompée au fil des kilomètres : leurs vélos retapés n’avaient rien à envier aux autres ! Si quelques ajustements ont été nécessaires après le départ, ils ne recensent pas d’incidents majeurs. Sauf Simon qui, malgré un entretien régulier, a cassé sa roue au bout d’un an de voyage. Il confesse toutefois avoir roulé particulièrement chargé, et admet qu’une paire de roues neuves n’aurait pas été inutile pour un voyage aussi long. Quoi qu’il en soit, l’incident a été relativement vite résolu :-) . Agathe et Sabine avouent toutes les deux avoir développé au cours du voyage un sixième sens, attentives à leur biclou comme on écouterait son corps pour le ménager dans l’effort. Prévenir plutôt que guérir, ce qui ne les a pas empêchés de savourer les paysages, comme tout cyclovoyageur. Ils n’ont jamais dû revoir leurs plans à la baisse non plus. Ni mettre davantage les mains dans le cambouis. De retour en France avec leur vélo (sauf Agathe, mais elle n’est pas encore rentrée à l’heure où j’écris ces lignes), la fiabilité d’un vélo monté par ses soins ne semble donc pas à remettre en cause !

Les cheveux au vent

En guise de conclusion, une chose me semble sûre : la mécanique vélo est accessible à tous. Agathe, Sabine et Simon l’ont bien compris, et en ont tiré une riche expérience. Au-delà de l’intérêt personnel, c’est l’ensemble des valeurs de cette démarche qui les ont séduits. Recycler ne rime pas avec sacrifice, le plaisir du voyage à vélo se savoure aussi pleinement au guidon d’un vélo recyclé. Cette courte incursion dans le monde de la mécanique vélo ne permet pas de rentrer dans le détail, et c’est tant mieux : n’hésitez pas à pousser la porte de votre atelier vélo pour en discuter davantage !

Entraide. Ici, au sein de l'atelier « uN p'Tit véLo dAnS La Tête » à Grenoble.
Entraide. Ici, au sein de l'atelier « uN p'Tit véLo dAnS La Tête » à Grenoble.

Les voyageurs

Agathe de Montmorillon

Avant de partir à vélo, Agathe avait déjà pour habitude de se rendre dans les ateliers participatifs, des lieux qu’elle affectionne autant pour l’apprentissage mécanique que les rencontres qu’on y fait. Une envie de voyage la titille au moment de découvrir une offre de service civique européen : la mission consiste entre autres à participer à l’animation et au fonctionnement de « Recykel », un atelier vélo émergent à Zilina (Slovaquie). Une occasion idéale de conjuguer voyage et auto-formation : elle assemble son vélo à Mobilidées puis se rend à Zilina avec, pour son premier voyage à vélo. Sur sa route, elle s’arrête dans une dizaine d’ateliers européens, et atteint Zilina un mois plus tard avec un solide bagage technique ! Avant, pendant, et après le voyage, sa perception des ateliers participatifs reste inchangée : ils sont une source d’informations, de partage, d’entraide, et même d’énergie. Un soutien agréable pour Agathe, qui se décrit comme une « ringarde » du voyage à vélo, mais qui affirme sans concession que c’est accessible à tous. Son vélo lui est revenu à moins de 130€.

Agathe de Montmorillon
Agathe de Montmorillon

Sabine Figuet

Sabine et Etienne sont partis pédaler de l’Alaska à la Patagonie. Ils n’avaient pas de date de retour prévue, et sont rentrés après plus d’un an et demi de voyage. Monter son propre vélo a permis à Sabine à la fois de maîtriser la mécanique et d’économiser, y compris sur l’entretien pendant le voyage. Alors qu’elle estime elle-même ne pas être bricoleuse. Sabine reconnaît volontiers avoir eu quelques doutes au départ, mais cette part d’inconnue s’est vite dissipée avec sa « vélonomie ». À l’écouter, ils ont pleinement profité de leur voyage, profondément ancrés dans un sentiment d’autonomie et de liberté. Ils ont d’ailleurs peu à peu ralenti leur progression, en phase avec l’authenticité qu’ils cherchaient.
Son vélo lui est revenu à moins de 700€, et son prochain voyage, elle souhaite le faire avec le même vélo, qu’elle utilise au quotidien désormais. En pleine réflexion sur la notion de « nécessaire pour voyager », elle pense à fabriquer ses sacoches. Quand on commence à toucher au DIY… Pour la petite histoire, c’est son copain qui a dû rouler sans frein arrière pendant 2 mois, faute de pièce de remplacement pour son frein hydraulique :-).

Sabine Figuet
Sabine Figuet

Simon Vitorge

Simon et Anaïs sont partis de France à vélo et sont rentrés un an et demi plus tard, toujours à vélo. Eux non plus n’avaient pas vraiment défini de date de retour. Entre-temps, ils ont pédalé en Europe et en Asie, prenant le temps de savourer chaque pays traversé. Pour avoir vu les photos et quelques bouts de récit, je crois qu’ils se sont bien régalés :-). Bien avant son départ, Simon était déjà particulièrement investi dans l'association Mobilidées, où il a tout appris ou presque sur la mécanique vélo. C’est tout naturellement qu’il s’est inscrit dans cette démarche de montage de vélo quelques mois avant son départ. Il avoue sans détour avoir un peu « chargé la mule », ce qui lui a valu quelques casses mécaniques, souvent surmontées grâce au « système D », comme un fer à béton pour faire tenir un porte-bagages capricieux ! Ceci n’étant pas stipulé dans le « mémo vélo » dont il a emporté la toute première édition dans ses sacoches. Désormais, il travaille à Mobilidées pour, entre autres, « essaimer » les ateliers vélo participatifs et solidaires dans les Hautes-Alpes. Une démarche qui permet d'accompagner les initiatives locales de création d'ateliers. Il roule toujours avec son vélo, qui lui est revenu à moins de 100 €. Aussi grâce à une petite astuce qu'il m'a glissée : monter son vélo dans les mois autour de son anniversaire !

Simon Vitorge
Simon Vitorge