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Traversée des Pyrénées en vol bivouac

par erwan dans Récits et entretiens 19 févr. 2014 mis à jour 07 mars 2014 4402 lecteurs Soyez le premier à commenter
Lecture 7 min.

À pied et en parapente de l’Atlantique à la Méditerranée

Texte et photos : Alexandre Jofresa, Martin Bonis et Fred Pieri
Xridair
Article publié dans Carnets d'Aventures n°8

Sponsor, By PyrénéesRallier l'Atlantique à la Méditerranée sans autres moyens que le vol en parapente et la marche à pied. Alexandre, Martin et Frédéric, trois jeunes parapentistes de 20 ans, ont ainsi traversé les Pyrénées en août 2006. Dix-sept jours d’aventure alternant vol et marche, en suivant les hauts-reliefs et les sommets mythiques du massif, mais aussi en vivant leur passion pour le vol libre et la montagne dans des paysages grandioses. L’équipe évoque pour nous le voyage mais aussi les différents aspects de sa préparation, dont le choix ou la conception d’un matériel ultra-léger.

La préparation

Elle s’est étalée sur une année. La création de l'association et la recherche de partenariats nous ont occupés une bonne partie du temps. Puis, il a fallu s’informer en contactant les pilotes locaux et tâcher d’obtenir des autorisations de survol des parcs (que nous n’avons pas décrochées !). Enfin, le temps consacré à l’achat du matériel et à l’entraînement physique a été réparti entre les études et les week-ends de compétitions !

Le matériel

Notre sponsor « By Pyrénées » nous a permis de choisir du matériel haut de gamme, léger et performant. Ainsi, nos sacs ne pesaient « que » 25 kg.

Voici en gros leur contenu :

  • Pour le vol : la voile, le parachute de secours, la sellette et le casque.
  • Les vêtements, qui ont été soigneusement choisis pour le rapport chaleur étanchéité poids.
  • Pour les bivouacs : un duvet très compressible, 2 tentes (pour nous 3) ultralégères de notre conception (voir l’encart), un poncho, un réchaud à gaz, une gamelle pour les trois, 3 litres d’eau chacun et 3 repas lyophilisés chacun (au cas où).
  • Appareils électroniques : caméra, appareil photo, une radio chacun, un GPS pour trois et les téléphones portables.

Nous avons acheté la nourriture lors de nos passages dans les villages. Pour l'anecdote, nous avions une cuillère pour trois : les deux autres se débrouillaient avec ce qui leur tombait sous la main ! L’unique crayon en notre possession nous a permis de tenir le journal de bord au dos de la carte 1/400.000ème qui couvrait la totalité de la chaîne. Les cartes détaillées (1/40.000ème espagnoles) achetées au fur et à mesure étaient recyclées en papier toilette.
Notre seul moyen de contact était une liaison téléphonique avec Marco Rispoli (responsable du pôle de Font Romeu) qui nous communiquait la météo du lendemain et à qui nous faisions un bref compte-rendu de la journée.

Jojo coiffe un caillou...
Jojo coiffe un caillou...

Le voyage

Lundi 14 août 2006, 7h40. Nous touchons l'eau sur la plage d’Hendaye avant le départ à pied vers la Rhune, d’où nous réaliserons notre premier vol. Il s’ensuit 4 jours de marche sous la pluie du pays basque espagnol et ses villages aux noms évocateurs : Atxuria, Bearetzegui, Aldudes, col d'Ispeguy, Auritz Burgete, Roncesvalles. À Roncesvalles justement, après une dure journée de marche sous la pluie, nous avons dû nous faire passer pour des pèlerins pour pouvoir dormir au sec...

Marche en Pays Basque
Marche en Pays Basque

Notre périple vers l'est continue avec des journées fastes comme le 20 août où, décollant du pic d'Eskoré, nous effectuons une montée immédiate au nuage, puis un vol splendide le long de la Pena forca, pour finir par une paisible glissade de 2000 mètres sur Villanueva près de Canfranc.
Mais nous avançons aussi en affrontant des journées décevantes : le 21, après avoir grimpé à pied 2000 mètres pour rejoindre le pic de la Collarada (2886m), le décollage est impossible. Une journée d'attente ; l’énervement est au plus haut et le moral au plus bas. Nous passons une nuit dans un froid glacial à 2400m, en compagnie de 3000 brebis.

Sommet du Mont CanigouSommet du Mont Canigou

Et, heureusement, des journées de rêve comme ce 22 août où nous effectuons un long et beau vol de la Collarada jusqu'à Castejon de Sos, soit 80 km parcourus en 6 heures. Ce jour-là, nous survolons des paysages féeriques : la Sierra Tendenerra, le Mont Perdu enneigé, la Pena Montanessaou d’où nous suivons les vautours, le Cotiella et son paysage lunaire, et enfin, la Sierra de Sia où nous rencontrons de nombreux oiseaux de notre espèce. Sans parler de l’arrivée à Castejon de Sos, où nous sommes pris dans l’euphorie de voir autant de parapentistes ! Nous en oublions même d’acheter des cartes.
Nous surmontons également des journées techniquement éprouvantes : le 23 août, nous parcourons 62 km en volant au-devant d'un front orageux avec des difficultés de pilotage extrêmes auxquelles s'ajoute la crainte de se séparer. Nous arrivons terriblement secoués et épuisés au Port del Canto. Le lendemain ne sera guère meilleur : une longue journée de marche (12 heures) très pénible entre le Port del Canto et la Seu d'Urgell, sous la pluie constante et... rebelote le lendemain sur le goudron dévastateur jusqu'à Martinet.

Vol en direction de Castejon de Sos
Vol en direction de Castejon de Sos

Enfin, les journées d'émotions intenses : le 26 août, à 3500m d’altitude, nous survolons nos maisons en Cerdagne. C’est au moment où nous entendons le message d’encouragement du grand-père de Martin que l’émotion est à son maximum. Elle rendra ce vol inoubliable !
Puis, l'aventure tire à sa fin. Le 27 août, ascension du Puigmal et une nuit à 2600m au bord de l'étang bleu de la Carança, en compagnie d’une soixantaine d'isards. Ensuite, le Pic des Trois Vents et une longue marche en crête avec un vent de 70 km/h. Nouvelle nuit dans nos tentes le ventre vide ! Le 29 août, ascension du Canigou puis décollage avec vent d'ouest pour poser à Bouleternère (15 km plus loin).

L'étang Bleu (2600m) où nous avons passé la nuit du dimanche 27. Magique !
L'étang Bleu (2600m) où nous avons passé la nuit du dimanche 27. Magique !

La tramontane interdisant désormais tout vol, nous nous mettons en marche pour les 30 derniers kilomètres qui nous séparent de la plage du Racou où nous arrivons le 30 août à 17h40, attendus par nos familles et les proches de l'aventure. Nous nous jetons avec hâte dans les flots bleus, heureux d'avoir réussi, mais conscients et un peu déçus que le rêve prenne fin.

Le bilan

Le trajet, à pied en vert, en vol en rouge (image Google Earth)
Le trajet, à pied en vert, en vol en rouge (image Google Earth)

17 jours de traversée, une quinzaine de vols allant du « plouf » de 3mn au vol de 80 km, soit 270 km de vol et 180 km à pied.
Entre galères et magie, nous avons beaucoup appris sur le groupe. Accepter de poser si l'un de nous pose, même si les deux autres sont aux nuages ! Ne pas insister pour décoller si l'un de nous « ne le sent pas ». Prendre les décisions collectivement mais rapidement. Le souci de sécurité a été permanent, nous savions aussi que la fatigue est source de problèmes et chacun surveillait les 2 autres constamment.

Notre satisfaction après ce raid est d'avoir vécu une aventure unique où l'enthousiasme et le plaisir se confondent avec les multiples aspects de la montagne. L'amitié et la volonté ont permis de franchir les nombreuses difficultés.
Bientôt, au cours de l'été prochain, XRID'AIR se lancera dans un tout autre projet, à la découverte d’une autre montagne plus lointaine : la chaîne du Terskey Ala-Too en Kirghizie…

 

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L’abri

C’est une grosse question, que choisir ?

Tente pliée
Tente pliée

Évidemment notre budget n’est pas extensible, et pourtant nous avons besoin d’un abri léger, mais vraiment léger !! Alors on a cherché, dans les catalogues de toutes les marques et de tous les magasins de montagne et d’aventure, mais rien. Rien ne nous convenait, souvent beaucoup trop lourd (nous voulions être à moins de 1 kg par personne) ou alors beaucoup trop cher. Première solution : le hamac, mais hélas les crêtes pyrénéennes sont dénuées d’arbres, et la face sud n’est boisée qu’à basse altitude. Alors nous avons décidé de la créer nous-mêmes notre tente ; nous la voulons légère, solide, modulable, adaptable, bref parfaite et pas chère ! ;-)

Et c’est parti pour les croquis ; ils se sont enchaînés sur le papier pendant 2 mois. Nous avons imaginé toutes les formes, mais beaucoup ont été abandonnées car trop compliquées à construire, pour finalement nous arrêter sur la plus veille des formes de tentes : la « canadienne ». « Pff, vous êtes en train de réinventer l’eau chaude, quoi !! ». C’est vrai ! Mais on marche tous les 3 avec 2 bâtons de marche et on compte bien s’en servir au maximum. Et puis, une structure n’utilisant que 2 bâtons, c’est la forme la forme la plus naturelle. Et on est vraiment persuadés que notre « eau chaude » sortira à moins d’un kilo !

Alors c’est parti. Ailipse, magasin de vente et réparation de parapente qui fait partie de nos principaux sponsors, nous a trouvé du tissu, qui est le même que celui les parapentes à 44g/m², impeccable ! Avec les conseils et explications de Guillaume, la couture commence ; disons plutôt le collage, avec une colle pour voile de bateau ; ça tient du feu de dieu et ça évite de faire des trous dans le tissu (étanchéité).

L'abri, détail de couture X2
L'abri, détail de couture

l'abri à deuxPetit à petit la tente prend forme et un premier prototype sort, nommé X1, il pèse 1370g. Une mauvaise appréciation des mesures fait qu’initialement prévue pour une personne, elle peut en contenir deux. Mais ça reste trop lourd ; cela vient de notre tapis de sol : d’un tissu différent, il pèse à lui seul environ 600g. On essaye alors avec nos ponchos : ça passe parfaitement ! On pèse le tout (toile, ponchos, sardines et suspentes en plus) : on obtient 940g ! Mission accomplie. Dans cet élan, nous en construirons une autre de forme identique, qui pèsera au final 880g, pour 2 personnes aussi, elle s’appellera X2.

Coût : peu élevé. Le tissu coûte entre 2 et 3 € le mètre linéaire (1.50m de largeur et 1m de long), les suspentes se trouvent facilement dans les ateliers de réparation de parapente, qui les jettent une fois testées. Les ponchos (pour le tapis de sol) coûtent environ 40 € pièce et les sardines 0.90 € pièce.

Nous avons voulu excentrer les bâtons de la toile de tente : nous pensons que cela apporte plus de stabilité, mais surtout plus de facilité de montage car la distance entre les deux n’étant pas fixée, on peut éviter le caillou qui gêne toujours. De plus, on peut aussi la tendre entre deux arbres, voire en attacher deux à la suite et tendre le tout.

Nous avons utilisé la X1 et la X2 durant notre traversée des Pyrénées et nous en sommes contents.

  • La condensation : certes c’est une simple paroi ; le matin au fond des vallées, la condensation est donc inévitable, mais à partir du moment où l’on a dormi en altitude, ce problème était réglé.
  • Le vent : elle tient, et même très bien. Le système de haubanage avec bâtons excentrés marche à merveille.
  • La pluie : elle est efficace à partir du moment où le tissu est bien tendu. Nous avons toujours trouvé un endroit assez plat et meuble pour la tendre suffisamment.
  • Le montage : là, par contre, on ne peut pas dire que c’est le must. Le montage n’est pas aisé et prend beaucoup de temps lorsqu’il est réalisé par une seule personne… Mais ce problème devrait être réglé sur la nouvelle X3, qui se dessine petit à petit, avec une forme et un système totalement différents mais que l’on pense prometteurs !

 

 


L'équipe

Martin (Tintin), Frédéric (Fred) et Alexandre (Jojo)
Martin (Tintin), Frédéric (Fred) et Alexandre (Jojo)


Regroupée dans l'association (loi 1901) XRID'AIR afin de faciliter le sponsoring et gérer au mieux nos projets, notre équipe se compose de trois membres aguerris par la compétition en parapente :

  • Alexandre Jofresa, dit "Jojo", 19 ans, fait partie du pôle France et vit en Haute-Savoie. Après un bac S, il a fait un IUT en résistances des matériaux et prépare actuellement une activité en zinguerie. C'est un fin technicien du vol.
  • Martin Bonis, surnommé "Tintin”, 19 ans, habite en Cerdagne (Pyrénées-Orientales) et a un bac STI. Il fait partie du pôle espoir de Font-Romeu. Moniteur de ski alpin, il exerce cette année au Canada. C'est un montagnard infatigable.
  • Frédéric Piéri, "Fred", 19 ans, fait partie du pôle espoir de Font-Romeu et étudie à Perpignan en classe préparatoire de sciences. Il vit en Cerdagne. C'est la ressource météo de la bande. La force de notre groupe réside dans l’excellente cohésion qui règne entre nous. En effet, chacun de nous apporte quelque chose au groupe et le tout forme une affaire qui marche (et qui vole surtout !!).
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