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Marcher seule en Laponie finlandaise

par Adrienne Charmet
21 déc. 2023
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Seule avec son petit sac à dos, Adrienne part en exploration sur les terres sauvages du nord de la Laponie finlandaise. Une grande randonnée de deux semaines hors du temps à la découverte de paysages à la fois désolés et plein de vie, dans un isolement presque total.

Ça décoiffe !
Autoportrait au vent d’automne soufflant sur la toundra.
Ça décoiffe !
Autoportrait au vent d’automne soufflant sur la toundra.

J’avais envie depuis longtemps d’aller marcher dans le nord de l’Europe. Après une vingtaine d’années de randonnées en France, j’étais de plus en plus attirée par les grands paysages isolés. Et mon premier contact avec le « nord » – une traversée de l’Écosse à pied – m’avait clairement fait comprendre que j’en voulais encore plus, plus d’isolement, plus de vent, plus de grand air, plus au nord. Par ailleurs, j’entretiens un lien particulier avec la Finlande, dont la culture m’intéresse depuis de nombreuses années. Je chante dans un chœur où la musique finlandaise tient une grande place avec ses évocations de la nature et des grands espaces silencieux. J'ai très envie d'aller découvrir tout cela de plus près et vise donc, pour ma grande première au-delà du cercle polaire, la zone la plus septentrionale du pays, en Laponie (Sápmi en langue same), à la frontière avec la Russie et la Norvège, facilement accessible en transports en commun.

Tirer des bords dans la toundra

Ma préparation fut minutieuse et j’ai passé de longues soirées à éplucher les cartes finlandaises sur le site de Retkikartta (équivalent de l’IGN), tirant un grand bord, comme les marins, entre la commune d’Inari, mon point de départ, le village de Karigasniemi au nord-ouest et celui d’Utsjoki au nord-est. Entre eux, il n’y a rien. Il me faudra donc pouvoir tenir au moins une semaine sans ravitaillement et ne pas trop compter sur les rencontres. Mais le gros du travail fut surtout de dénicher le moindre repère utile à reporter sur mon GPS, et de comprendre à quel type de paysage et de difficultés j’allais avoir affaire. Une fois sur place, j’ai adapté cette projection à la réalité du terrain, en tenant une moyenne de 20 à 25 km par jour. La principale contrainte était les traversées de rivières et de marécages : trouver les endroits les plus étroits et accessibles pour les premières, essayer d’éviter et de contourner les seconds. Tout cela sans me perdre dans ces territoires désolés offrant peu de points de repère. Il s’agit la plupart du temps de marcher à l’azimut au cœur de la toundra, et se frayer un chemin par de petites forêts clairsemées, des rivières pures et glacées, des lacs innombrables, des chaos rocheux ou d’immenses marécages. Une progression lente, précautionneuse et parfois épuisante, les pieds souvent dans les herbes et dans l’eau, bien loin des confortables sentiers balisés et entretenus que nous connaissons. Pourtant, la première semaine, j’ai vaguement suivi une sente discrète, très effacée, que j’imaginais volontiers empruntée par des éleveurs de rennes depuis plusieurs générations. Dans ma solitude, je me représentais leur vie nomade sur ces terres sauvages. Pragmatique, je modifie ensuite un peu mon itinéraire pour profiter quelques jours d’un chemin balisé, le Kevon Reitti Trail, plus facile mais tout aussi sauvage et peu fréquenté.

... et la suite ?